Le nouveau Code Européen des Communications Electroniques consacre la montée en puissance du BEREC, organe commun des régulateurs nationaux

Le nouveau Code Européen des Communications Electroniques consacre la montée en puissance du BEREC, organe commun des régulateurs nationaux

De plusieurs directives à un code

Le 17 décembre dernier sont parus au Journal Officiel de l’Union Européenne deux textes qui révisent le cadre réglementaire des communications électroniques en Europe. Les quatre directives composant ce cadre (directive cadre, directive autorisations, directive accès et directive service universel et droits des consommateurs) ont été fondues en en Code Européen des Communications Electroniques (CECE). La notion de Code, bien connue dans les pays qui ont adopté en son temps le code Napoléon, gagne ainsi du terrain dans le droit européen.

Un BEREC renforcé

La refonte précédente du cadre réglementaire européen des communications électroniques, intervenue en 2009, avait créé l’ORECE (Organe des régulateurs européens des communications électroniques), plus connu sous son acronyme anglais de BEREC (Body of European Regulators of Electronic Communications). Avec le Code a été adopté un règlement qui renforce le rôle du BEREC. Le BEREC reste composé d’un conseil des régulateurs et de groupes de travail, mais, par défaut, les décisions de ce conseil sont adoptées à la majorité simple, et non plus à la majorité des deux tiers. Toutefois, les principaux changements apportés au rôle du BEREC résident dans l’impressionnante liste des documents de politique des communications électroniques, documents qui, dans le cadre précédent, auraient été produits par la Commission européenne et le seront maintenant par le BEREC.

A la Commission, le cœur du cadre historique et les mesures d’unité politique envers l’industrie

Avec le Code, la Commission européenne conserve un rôle important dans l’établissement de la politique européenne en matière de communications électroniques : la recommandation sur les marchés dits pertinents (c’est-à-dire susceptibles de faire l’objet d’une régulation a priori, et non a posteriori comme le voudrait le droit de la concurrence), les lignes directrices sur les critères de puissance significative exercée sur un marché et la convergence du niveau des terminaisons d’appel, qui restent du domaine de la Commission, constituent le cœur de l’exception au droit de la concurrence que représente le droit européen des communications électroniques. La Commission conserve également son rôle directeur sur deux politiques-phares de l’Union : la régulation des prix de gros et de détail du roaming à l’intérieur du marché unique et la neutralité du net. Ces deux mesures sont en effet à la fois relativement consensuelles entre les états-membres et perçues comme très dures par tout ou partie de l’industrie. Toutefois, le détail de la mise en œuvre de la neutralité du net est défini par des lignes directrices du BEREC.

Au BEREC, les nouveaux sujets et les désaccords entre états-membres sur la politique des télécoms

Le Code Européen des Communications Electroniques a confié au BEREC un rôle impressionnant en matière de définition de la politique européenne : pas moins de 14 jeux de lignes directrices sont à élaborer et publier par le BEREC entre 2019 et 2020, dont onze directement issues du Code :

  • Le formulaire de notification, selon l’article 12 du Code ; il s’agit d’empêcher que l’accusé de réception de la notification initiale d’activité faite par l’opérateur au régulateur ne devienne aussi compliqué à obtenir qu’une licence.
  • Le mise en œuvre cohérente des obligations en matière d’enquêtes géographiques et de prévisions de déploiement de réseaux, selon l’article 22 du Code ;
  • Les critères pertinents de mise en œuvre de l’article 61(3) du Code ; l’article 61 définit les rôles des régulateurs en matière d’accès et d’interconnexion, son alinéa 3 porte sur les obligations de partage des câbles ou fibres à l’intérieur des bâtiments ou en aval du premier point de mutualisation ; on voit ici qu’une mesure adoptée en France avec la loi de modernisation de l’économie de 2008 est entrée dans le cadre européen en 2018 ;
  • Les approches communes à l’identification du point de terminaison du réseau selon les différentes topologies de réseau, selon l’article 61(7) du Code ; ces deuxièmes lignes directrices prévues par l’article 61 visent à assurer la cohérence des régulations nationales par une description homogène de la topologie des réseaux fixes à très haut débit ;
  • Les approches communes pour satisfaire la demande transnationale des utilisateurs, selon l’article 66 du Code ; si la demande des particuliers reste nationale (hors roaming et appels internationaux), celle des entreprises est effectivement multinationale ; le but de ces lignes directrices est d’harmoniser les offres d’accès pour les entreprises dans les états-membres de l’Union ;
  • Les critères minimaux à respecter par les offres de référence, selon l’article 69 du Code ; il s’agit là d’harmoniser les offres de gros d’accès et d’interconnexion des opérateurs dominants ;
  • Le soutien à une application cohérente par les régulateurs des conditions d’es offres de co-investissements dans les réseaux de boucle locale en fibre optique (article 76(1) et Annexe IV du Code ; encore une innovation française entrée dans le Code, après des débats très houleux, certains pays, comme l’Allemagne, jugeant la réglementation française beaucoup trop contraignante pour l’opérateur historique ;
  • Les critères pour qu’un réseau soit considéré comme de très haute capacité (article 82 du Code) ; cette définition est importante, car seuls les réseaux qui y répondent peuvent être ouverts au co-investissement ;
  • Les critères de gestion des ressources de numérotation et du risque de leur épuisement (article 93 du Code) ;
  • Les paramètres pertinents en matière de qualité de service, de méthodes de mesure de cette qualité, de contenu et de format des publications d’information de qualité de service, des mécanismes de certification de cette qualité (article 104 du Code) ;
  • L’évaluation de l’efficacité des systèmes d’alerte du public (article 110(2) du Code).

A ces onze exigences de lignes directrices du BEREC instituées par le Code s’en ajoutent trois autres, instituées par des documents antérieurs :

  • L’accès de gros au roaming (Article 3(8) du Règlement 531/2012) ;
  • La mise en œuvre par les régulateurs des obligations en matière d’accès ouvert à l’internet (article 5(3) du règlement 2015/2120) ;
  • Les paramètres à prendre en compte par les régulateurs pour évaluer le caractère soutenable ou non de la gratuité du roaming sur le marché de détail (article 5a(6) du règlement 2015/2120).

Six des onze jeux de lignes directrices confiés au BEREC, les plus anodins, étaient déjà prévus dans le projet de Code publié en 2016 par la Commission Européenne, mais, au fil des débats au Parlement et avec le Conseil, cinq autres jeux sont venus s’ajouter, dont ceux sur le partage du câblage intérieur, sur la localisation du point de terminaison, sur les conditions du co-investissement dans les boucles locales de fibre et sur la définition des réseaux de très haute capacité, objet de ce co-investissement entre les opérateurs concurrents. Ces quatre ajouts promettent des discussions serrées entre les régulateurs membres du BEREC. Du résultat de ces discussions dépendra notamment le caractère facultatif ou non, pour les opérateurs européens de réseaux de fibre optique, des grandes caractéristiques du modèle inventé par la France : mutualisation du segment terminal par co-investissement des opérateurs et/ou des collectivités locales. Il convient de rappeler que le modèle français est né dans des conditions particulières : un cablo-opérateur faible, un réseau de cuivre inadapté au VdSL et des collectivités locales promptes à revendiquer le rôle d’opérateur d’infrastructure. En cas de désaccord, les fondements de ce modèle seront-ils conservés ? Ou bien assistera-t-on à une ouverture aux vacances réglementaires pour la construction de nouveaux réseaux, comme Deutsche Telekom le préconise outre-Rhin ? Les missions nouvelles confiées au BEREC ont été le moyen de faire adopter le Code par la législature européenne qui s’achève, en laissant au club des régulateurs le soin d’harmoniser les sujets les plus épineux