Retour vers le BEREC

Retour vers le BEREC

L’ORECE, Office des Régulateurs Européens des Communications Electroniques, plus connu sous son sigle anglais de BEREC, a été chargé par la directive, instituant le Code européen des communications électroniques, et par le règlement mettant à jour ses fonctions, de publier, en 2019 et 2020, onze documents de lignes directrices, destinés à préciser la portée des stipulations de la directive sur des points précis :

  • Le formulaire de notification, selon l’article 12 du Code ; il s’agit d’empêcher que l’accusé de réception de la notification initiale d’activité faite par l’opérateur au régulateur ne devienne aussi compliqué à obtenir qu’une licence.
  • Le mise en œuvre cohérente des obligations en matière d’enquêtes géographiques et de prévisions de déploiement de réseaux, selon l’article 22 du Code ;
  • Les critères pertinents de mise en œuvre de l’article 61(3) du Code ; l’article 61 définit les rôles des régulateurs en matière d’accès et d’interconnexion, son alinéa 3 porte sur les obligations de partage des câbles ou fibres à l’intérieur des bâtiments ou en aval du premier point de mutualisation ; on voit ici qu’une mesure adoptée en France avec la loi de modernisation de l’économie de 2008 est entrée dans le cadre européen en 2018 ;
  • Les approches communes à l’identification du point de terminaison du réseau selon les différentes topologies de réseau, selon l’article 61(3) du Code ; ces deuxièmes lignes directrices prévues par l’article 61 visent à assurer l’homogénéité des régulations nationales par une description homogène de la topologie des réseaux fixes à très haut débit ;
  • Les approches communes pour satisfaire la demande transnationale des utilisateurs, selon l’article 66 du Code ; si la demande des particuliers reste nationale (hors roaming et appels internationaux), celle des entreprises est effectivement multinationale ; le but de ces lignes directrices est d’harmoniser les offres d’accès pour les entreprises dans les états-membres de l’Union ;
  • Les critères minimaux à respecter par les offres de référence, selon l’article 69 du Code ; il s’agit là d’harmoniser les offres de gros d’accès et d’interconnexion des opérateurs dominants ;
  • Le soutien à une application cohérente par les régulateurs des conditions d’es offres de co-investissements dans les réseaux de boucle locale en fibre optique (article 76(1) et Annexe IV du Code ; encore une innovation française entrée dans le Code, après des débats très houleux, certains pays, comme l’Allemagne, jugeant la réglementation française beaucoup trop contraignante pour l’opérateur historique ;
  • Les critères pour qu’un réseau soit considéré comme de très haute capacité (article 82 du Code) ;
  • Les critères de gestion des ressources de numérotation et du risque de leur épuisement (article 93 du Code) ;
  • Les paramètres pertinents en matière de qualité de service, de méthodes de mesure de cette qualité, de contenu et de format des publications d’information de qualité de service, des mécanismes de certification de cette qualité (article 104 du Code) ;
  • L’évaluation de l’efficacité des systèmes d’alerte du public (article 110(2) du Code).

Au cours des onze semaines à venir, nous allons explorer un à un ces onze documents de lignes directrices, pour en synthétiser le contenu, expliquer pourquoi le sujet est devenu un point prioritaire de la régulation des communications électroniques en Europe, essayer de comprendre quelle stratégie chaque famille d’acteurs a développé autour de chaque obligation et comment l’organe commun des régulateurs télécom des états-membres de l’UE a tranché chaque débat.

Si nous prenons ces lignes directrices par ordre des articles du Code européen qui prescrit au BEREC la mission de les élaborer et de les publier, nous commençons par les lignes directrices relatives au formulaire de notification des opérateurs au régulateur national. Cette notification est à faire avant de commencer une activité, lorsque l’on modifie sa liste d’activités ou que l’on cesse ses activités. La prescription  de l’article 12, alinéa 4, du Code est de ne recueillir que les informations suivantes : i) le nom du fournisseur; ii) le statut juridique, le formulaire et le numéro d’enregistrement du fournisseur, lorsque le fournisseur est inscrit dans un registre public du commerce ou autre similaire dans l’Union; iii) l’adresse géographique du principal établissement du prestataire dans l’Union, le cas échéant, et, le cas échéant, de toute succursale secondaire dans un État membre; iv) l’adresse du site Web du fournisseur, le cas échéant, associée à la fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques; v) une personne de contact et des coordonnées; vi) une brève description des réseaux ou services destinés à être fournis; vii) les États membres concernés; et viii) une date estimée de démarrage de l’activité.

Au premier abord, le formulaire recommandé par le BEREC aux régulateurs nationaux ressemble de très près aux formulaires utilisés jusqu’ici par ces mêmes régulateurs. La tendance générale était néanmoins connue : en Europe, plus on va vers le sud et plus on va vers l’est, plus les formulaires sont complexes. A l’opposé, avant sa sortie de l’Union européenne, le Royaume-Uni était le seul état-membre de l’Union à ne pas exiger des opérateurs une notification de leur activité.

La France envisage de supprimer cette obligation de notification à l’occasion de la transcription en droit français du Code européen des communications électroniques. Economie de personnel à l’ARCEP, manque d’utilité de la liste des opérateurs pour un régulateur moins actif que d’autres sur les questions de conformité, ces facteurs ont pu jouer dans une telle évolution de la législation française. Toutefois devra rester complète la liste de tous ceux qui demanderont des ressources de numérotation ou des fréquences, et ce y compris quand ceux-ci n’auront pas le statut d’opérateur. Enfin, un opérateur sans récépissé de sa déclaration d’activité aura peut-être du mal à prouver sa qualité d’opérateur pour obtenir des droits de passage d’une mairie récalcitrante.

Quelles informations trouve-t-on dans certains formulaires nationaux de notification que l’on ne retrouve pas dans celui du BEREC ? Si ‘on prend le formulaire espagnol, on y trouve notamment :

  • Un engagement à se soumettre aux tribunaux espagnols,
  • Un engagement à respecter les exigences applicables,
  • Le fait de bénéficier de droits exclusifs de fourniture de services de réseaux en monopole (eau, gaz, électricité, …),
  • La documentation attestant la capacité du signataire à agir pour le compte de la société,
  • Une liste de services plus détaillée,
  • Le fait de savoir si le service est produit ou revendu …

Si l’on prend le formulaire polonais, on remarque la demande suivante que le BEREC ne reprend heureusement pas : en cas d’établissement à l’étranger du demandeur, le régulateur polonais demande une preuve que l’adresse indiquée est valable (copie du bail ou du titre de propriété du local de l’établissement, traduite en polonais par un traducteur assermenté).

De façon plus générale, on retrouve dans ces formulaires antérieurs comme dans les lignes directrices du BEREC la demande que tous les documents fournis soient traduits en langue nationale (sauf en Belgique ou aux Pays-Bas en ce qui concerne l’anglais). Et ceci en dépit des demandes de la Chambre de Commerce américaine en Union européenne, qui souhaite que toute notification à un régulateur européen puisse être faite uniquement en anglais.

Mis à part la question de la langue (nationale ou anglaise), ces demandes de tel ou tel régulateur ont plusieurs causes :

  • La crainte qu’un opérateur établi à l’étranger se considère comme hors de portée de la justice nationale, ou ne reconnaisse pas, le moment venu, qu’il y est assujetti,
  • La méfiance à l’égard de fausses informations qui émaneraient d’un demandeur,
  • Une curiosité pour le détail des services, du mode de leur élaboration (production ou revente), de la zone desservie.

Autant la curiosité peut être satisfaite par des demandes ultérieures d’informations de la part du régulateur, autant la méfiance à l’égard de l’adresse d’un siège est déplacée, quand celui-ci figure sur le certificat d’inscription au registre du commerce, autant la crainte qu’un acteur soit de facto hors de la portée des autorités dans un pays où il intervient sans être établi peut avoir un fondement, même dans le cadre de la coopération judiciaire entre les états-membres de l’UE. Et, plus une chaine de revente d’un service est longue, plus difficile est l’enquête sur l’émetteur d’un appel ou l’éditeur d’un service à tarification majorée.

Enfin, chassez la liste des opérateurs par la porte, elle reviendra par la fenêtre : les chantiers en cours aux Etats-Unis, au Canada et en France sur l’authentification des numéros de téléphone présentés par les appelants conduisent à la mise en place de certificats de sécurité identifiant de manière non ambigüe l’opérateur de l’appelant.

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