18 Mar Le Sénat réécrit la proposition de loi Naegelen sur le démarchage téléphonique et les appels frauduleux
Profondément remaniée par le Sénat, la proposition de loi du député Christophe Naegelen relative au démarchage téléphonique et aux appels frauduleux va maintenant revenir en seconde lecture vers les députés :
- Un nouvel article 1A de la petite loi votée par le Sénat précise les modalités d’inscription (par voie dématérialisée, postale ou téléphonique) des consommateurs à la liste Bloctel d’opposition à recevoir des appels de démarchage téléphonique, dans l’article L. 223-1 du Code de la Consommation ;
- Un nouvel article 1B ajoute aux dispositions obligatoires, prévues par l’article L. 224-30 du Code de la Consommation, des contrats de communications électroniques, une information sur la possibilité, en s’inscrivant à Bloctel, de s’opposer au démarchage téléphonique de son numéro ;
- Dans l’article 1, le Sénat a procédé à un élagage des dispositions de l’article L. 221-16 du Code de la Consommation imposant à l’agent du centre d’appel de préciser en début d’appel la nature commerciale de l’appel et l’identité de l’entreprise pour laquelle cet appel est effectué, et l’obligeant à développer les sigles qu’il emploie ;
- L’article 1bis remplace l’engagement des professionnels à respecter une charte de bonnes pratiques par des normes déontologiques fixées par décret, après consultation du Conseil national de la consommation. Ce décret détermine les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale par voie téléphonique est autorisée.
- Au titre de l’article 2, le rapport du gouvernement au parlement sur l’efficacité du dispositif Bloctel, prévu par l’Assemblée, est remplacée au Sénat par une mise à disposition en open data des données essentielles du système Bloctel ;
- Les articles 2 bis, 2 ter 2 quater et 4, relatifs à l’alourdissement des sanctions de certaines pratiques relatives à la prospection téléphonique, sont inchangés par le Sénat ;
- Le Sénat introduit in article 3 bis limitant le montant des amendes en cas de cumul d’amendes administratives et d’amendes pénales ;
- Le Sénat a supprimé l’article 5 voté par l’Assemblée, qui proposait de restreindre l’objet de la prospection téléphonique vers les inscrits à Bloctel aux sollicitations en rapport direct avec l’objet d’un contrat en cours, revenant ainsi aux dispositions en vigueur, qui autorisent de tels appels en cas de relations contractuelles préexistantes ;
- L’article 6 a été modifié par le Sénat, qui ajoute (sous-article 6 A) l’exigence de plusieurs dispositions aux contrats entre les opérateurs de SVA et les éditeurs : le contrat doit prévoir la suspension de l’accès au service, potentiellement suivie de la résiliation en cas de récidive, en cas d’information absentes, inexactes, obsolètes ou incomplètes dans l’annuaire inversé des SVA (http://www.infosva.org) ; la résiliation est subordonnée à une mise en demeure restée infructueuse ;
- Le sous-article 6B réécrit les dispositions relatives à l’outil de signalement des manquements relatifs aux SVA (articles L.224-47 et L. 224-47-1 du Code de la consommation) en précisant que les conditions de la certification des signalements seront définies par arrêté ministériel ; en revanche, est confirmé le caractère automatique de l’obligation pour l’opérateur SVA de suspendre l’accès au service et, en cas de récidive de résilier un numéro à valeur ajoutée, en cas de manquement aux obligations liées à l’annuaire inversé des SVA ;
- Les articles 7 (sur la publicité des sanctions) et 8 (sur les exceptions à cette publicité) sont inchangés.
Qu’attendre de la seconde lecture par l’Assemblée ?
En matière de prospection téléphonique, le principe de l’opt-out restreint des consommateurs est confirmé par le Sénat.
La suite de l’élaboration de cette proposition de loi dépendra maintenant de la réceptivité des députés aux modifications apportées à leur texte par leurs collègues du Sénat. Le principal point d’achoppement risque de se situer à l’article 5, dont la suppression a été votée par le Sénat contre l’avis du gouvernement. Cette suppression a été chaleureusement saluée par la profession des centres d’appel (Association Française de la Relation Client, Fédération de la Vente Directe, …).
La publication des données de Bloctel en open data, en lieu et place d’’un rapport du gouvernement au parlement sur l’efficacité de Bloctel, a également été décidée, par l’article 2, contre l’avis du gouvernement.
L’introduction par l’article 1 bis de normes déontologiques validées par décret à la place d’une charte de bonne conduite des centres d’appel et de leurs donneurs d’ordre a, quant à elle, reçu l’approbation du gouvernement.
Points d’amélioration possibles non relevés par le Sénat
L’efficacité de Bloctel n’est abordée que de façon très indirecte. L’opposition entre les moyens prévus pour cela par l’Assemblée (un rapport) et par de Sénat (des donnée sen open data) est très artificielle. En quoi des données en open data pourraient-elles se substituer à un rapport du gouvernement au parlement ? Personne ne définit les « données essentielles » de l’activité de Bloctel, qui devraient être publiées en open data, selon l’article 2. Le cercle vicieux du service auquel trop peu d’entreprises souscrivent parce qu’il est trop cher reste intact. Comme nous le disions dans un post précédent, Bloctel est une délégation de service public qui est légitime à couvrir ses coûts et à faire un profit raisonnable, mais c’est aussi un monopole, dont les tarifs trop élevés dissuadent les entreprises de recourir à ses services. Tout lancement de produit, surtout quand ses coûts sont essentiellement fixes, est un pari sur les quantités vendues selon le prix proposé. Il serait souhaitable que les tarifs de Bloctel soient adoptés après consultation des organisations professionnelles de la vente à distance sur les quantités raisonnablement vendables des services de Bloctel en fonction du caractère raisonnable des tarifs. Faudra-t-il attendre 2021 et le renouvellement de la délégation de service public assurée par Bloctel pour que la DGCCRF aborde cette question avec les organisations des professionnels de la vente à distance, de la relation clients et des centres d’appel ? Le système Bloctel, comme les systèmes de l’AFMM, reposent sur la notion de signalements. Or la plupart des consommateurs, et jusqu’à Madame Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’état auprès du ministre de l’économie et des finances, au cours du débat au Sénat, qualifient ces signalements de réclamations. Qui dit réclamation dit demande de réponse de la part de celui qui réclame. Or les signalements à Bloctel sur la prospection téléphonique indue, comme les signalements à l’AFMM sur les SVA, ne prévoient aucun retour vers le consommateur. Ceci frustre à juste titre ce dernier, mais aussi les éditeurs de SVA, à qui l’identité du signalant est cachée. Un éditeur de bonne foi devrait pouvoir apporter une réponse au consommateur qui se plaint. Il peut être utile, pour protéger les consommateurs des éditeurs agressifs, que cette réponse passe par le canal du système de l’AFMM, mais les systèmes présents, qui laissent systématiquement sans réponse individuelle les signalements à l’AFMM comme à Bloctel, ne sont pas satisfaisants.