14 Jan Comment les britanniques perçoivent les numéros de téléphone ?
L’Ofcom, régulateur britannique des télécoms, a publié récemment une étude qualitative de la perception des numéros de téléphone par un échantillon représentatif de la population britannique.
Principales conclusions de l’étude et commentaires sur leur caractère transposable à la France
La téléphonie fixe et les numéros géographiques, une affaire de vieux
1. La téléphonie fixe n’attire plus que les consommateurs les plus âgés.
2. Les consommateurs les plus âgés attachent une grande importance aux numéros géographiques et considèrent l’identité géographique du numéro comme étant utile et digne de confiance.
3. Les consommateurs plus jeunes sont en grande partie indifférents à la téléphonie fixe en raison de leur très faible utilisation de ce moyen de communication.
Il est probable qu’une étude comparable en France conduirait aux mêmes conclusions sur le fait que les numéros de personnes seront à l’avenir des numéros mobiles.
La tarification des numéros de services gagnerait à être plus simple et plus lisible
4. Parmi les microentreprises, la valeur perçue des numéros géographiques et l’identité de l’emplacement varient considérablement, selon que leurs services sont locaux ou non.
5. Pour les numéros non géographiques sans partage des revenus (080 et 03, équivalents des numéros français libre appel ou à tarification banalisée), des niveaux plus élevés de compréhension et de confiance sont évidents lorsqu’ils sont utilisés par des marques et des organisations de premier plan.
6. Parmi les propriétaires de micro-entreprises, les numéros 080 et 03 (libre appel) ne sont généralement pas perçus comme des alternatives possibles aux numéros géographiques.
7. La publicité pour les numéros non géographiques 084 et 087 (comparables aux 081 et 082 en France) est vue avec suspicion par les consommateurs plus âgés et peut constituer un obstacle à leur utilisation.
8. La notoriété, la compréhension et la confiance dans les redevances d’accès et les redevances de service pour les numéros à revenus partagés (09, comparables aux 089 en France) étaient généralement très limitées dans l’échantillon
9. L’utilisation des numéros 09 majorés pour les concours de vote et les concours téléphoniques très médiatisés a été largement acceptée.
En France comme au Royaume -Uni, la perception des numéros de services à valeur ajoutée est amoindrie par leur manque de lisibilité, mais quand la lisibilité est très forte, une tarification peut être acceptée, comme c’est le cas pour les votes lors d’émissions télévisées.
Les suggestions spontanées des personnes interrogées portent sur une simplification des numéros faiblement majorés et sur une meilleure signalisation des numéros libre appel
10. Du point de vue des consommateurs, très peu de remarques spontanées ont été faites sur de possibles modifications futures des numéros géographiques. Pour les numéros banalisés ou libre appel (03 ou 080), une demande généralisée et spontanée a été faite pour l’inclusion obligatoire d’informations tarifaires confirmant qu’il s’agissait de numéros gratuits ou à tarif standard.
11. Il semble nécessaire de clarifier et de simplifier considérablement les montants facturables. Les principales préoccupations concernaient le risque de confusion, en particulier étant donné la similitude apparente des numéros 084, 087 et 080, ainsi que le manque perçu de transparence du coût des appels.
12. Les idées avancées étaient (i) une notification vocale au début de l’appel et pas seulement dans la publicité, (ii) une indication claire de la durée probable de l’appel, et (iii) une structure de taxation unique qui uniformise les frais d’accès entre les fournisseurs. Cela permettrait aux participants de faire un choix en connaissance de cause sur la base de la vue explicite du coût total des appels.
Une étude sur la pertinence en France de cette partie des conclusions de l’étude britannique serait la bienvenue, car, trois ans après la réforme de 2015, il n’est pas certain que le public français soit plus à l’aise que le public britannique avec la tarification des services à valeur ajoutée.
Face à des scénarios proposés, les participants à l’étude préconisent peu de changements à court terme, mais sont plus ouverts à des changements à moyen terme
13. Sur la base des réponses aux scénarios futurs qui leur ont été présentés, la fermeture de la numérotation locale dans toutes les régions et la suppression des numéros 084 et 087 seraient largement acceptées.
14. Dans le même temps, la perte de la signification géographique des indicatifs interurbains et la suppression de 09 pour les domaines très médiatisés du vote et des jeux téléphoniques suscitent de nombreux refus.
15. À plus long terme, l’étude tend à montrer que les consommateurs acceptent de mieux en mieux la perte du caractère géographique des numéros, l’utilisation de la téléphonie fixe étant appelée à diminuer avec le renouvellement des générations les plus âgées. L’étude montre également un niveau croissant d’acceptation de la perspective d’une abolition des numéros à tarification majorée, alors que la technologie de micro-paiement alternative continue à se développer ou à évoluer.
En France, la numérotation locale a disparu depuis longtemps, mais l’attachement à la signification géographique des numéros est sans doute comparable à ce qu’il est au Royaume-Uni. Quant à savoir ce que le public penserait d’une suppression des numéros à tarification majorée, une étude en France ne serait pas de trop.
Restaurer la confiance, renouvelée la proposition liée au numéro de téléphone
Ce que révèle en creux cette étude, c’est que la téléphonie a gagné en concurrence ce qu’elle a perdu en innovation. La téléphonie des personnes est devenue mobile, mais les entreprises ont besoin de téléphonie fixe. Ces numéros peuvent être gratuits, banalisés ou payants, mais, s’ils sont payants, la signalisation du prix doit être extrêmement claire et simple. Il n’en reste pas moins que les systèmes de communication interpersonnelle des OTT ont rivalisé d’innovations et de gratuité, payée par le consommateur par la perte de l’interopérabilité et de la portabilité (un abonné Skype ne peut pas appeler un abonné Whatsapp, ni porter son identifiant de l’un à l’autre) et l’intrusion dans ses données personnelles des algorithmes de la publicité ciblée.
Les opérateurs comprendront-ils un jour qu’ils vendent chacun un produit à 98% identique à celui des autres opérateurs, mais largué en termes d’innovation par ceux des OTT ? Au lieu de se focaliser sur leurs différences, ils feraient mieux de travailler ensemble à enrichir la promesse liée à un numéro de téléphone. Cet enrichissement devrait porter sur la communication unifiée multimédia, via des protocoles tels que RCS, sur une sécurisation du numéro par des technologies telles que Stir/Shaken quand il n’y a pas de carte SIM, et sur une organisation commune qui permette de partager un meilleur niveau de confiance dans l’identité de l’appelant.